Discours de la députée Hélène LeBlanc
Conférence de la Chambre de Commerce du Sud-Ouest de Montréal
14 mars 2014 – Restaurant Riventino
Il me fait plaisir de vous accueillir à ce déjeuner conférence. J’aimerais tout d’abord remercier la Chambre de commerce et d’industrie du Sud-Ouest de Montréal qui a organisé l’événement et la Coopérative de développement régional Montréal-Laval pour sa participation. C’est un privilège pour moi, en tant que députée fédérale de LaSalle—Émard et porte-parole de l’opposition officielle en matière des coopératives, de vous présenter les propositions du NPD pour que les coopératives soient reconnues comme une option intéressante pour la création et la relève d’entreprises.
Selon les chiffres du ministère de l’Industrie, en 2013, il y avait 1 180 000 petites et moyennes entreprises au Canada. Ces PME, qui emploient plus de 50 % des salariés du pays et travaillent dans de multiples secteurs, sont la force de notre économie et contribuent à hauteur de 39 % du PIB.
Cependant, l’inévitable retraite des baby-boomers, dont plusieurs sont propriétaires de PME, aura un impact significatif sur notre économie. Nous serons témoins, au cours de la prochaine décennie, d’un transfert massif de propriété et de plusieurs milliards de dollars d’actifs appartenant à des entreprises dont le propriétaire prendra sa retraite. Toutefois, comme plusieurs experts l’ont signalé, le Canada n’est pas entièrement préparé à faire face à un tel changement.
Un sondage réalisé par la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, auprès de ces 105 000 membres, a révélé que plus de la moitié des propriétaires de PME ne possèdent pas de plan de relève et que 40 % n’ont qu’un plan informel. De plus, selon la Fédération, un important nombre d’entrepreneurs projettent de liquider leur compagnie parce qu’ils n’ont pas les moyens de continuer et ne trouvent pas d’acheteur ou de successeur. Cette situation présente un risque social et économique pouvant avoir des conséquences considérables sur notre économie et entraîner la disparition de milliers d’emplois.
Face à cette situation, les propriétaires d’entreprises, les institutions financières et les différents paliers du gouvernement doivent travailler ensemble afin de maintenir les emplois de qualité offerts par les PME et de minimiser les conséquences du transfert sur l’économie.
Mais quelles sont les options de transfert à la disposition des entrepreneurs?
Il existe six modèles de transfert différenciés par le type de repreneur et d’entreprise à transférer : elle peut être transférée à la famille du propriétaire, elle peut être reprise par un individu externe, ou par un individu interne (tel qu’un associé), elle peut être achetée par une société étrangère ou par une société de capital investissement ou elle peut être reprise par les employés.
Malheureusement, ce dernier type de transfert n’est pas très populaire au Canada. Il est surprenant de voir que les propriétaires de PME ne considèrent pas le transfert d’entreprise aux employés comme une possibilité. Selon la Fédération canadienne d’entreprise indépendante, près de la moitié des propriétaires veulent vendre leur compagnie à un acheteur externe, un tiers d’entre eux projettent de la vendre ou de la transférer à des membres de leur famille et 5 % envisagent une fermeture progressive. Par ailleurs, un pourcentage important de propriétaires de PME mentionne la difficulté à trouver un acheteur ou un successeur adéquat comme un des principaux obstacles à la relève.
Je vous pose la question : qui connaît mieux l’entreprise que les employés? Qui a le savoir-faire technique pour continuer les activités à long terme? Et qui comprend et partage mieux les valeurs de l’entreprise que ses travailleurs?
Oui, probablement que plusieurs d’entre vous soulèveront des questions par rapport aux difficultés, particulièrement financières, que les employés devront surmonter pour acquérir une entreprise. Permettez-moi de vous répondre en vous présentant une solution viable pour le transfert ainsi que pour la création d’entreprises : la reprise en formule coopérative.
Au Québec, il y a trois types de coopératives en milieu de travail.
La coopérative de travail, qui regroupe les travailleurs exploitant une entreprise qui leur procure un emploi. Ce type de coopérative se trouve principalement dans le secteur forestier, le domaine ambulancier et le secteur manufacturier.
La coopérative de travailleurs-actionnaires, un modèle unique au monde, qui regroupe des salariés dans le but d’acquérir et de détenir des actions de la compagnie qui les emploie. Elles sont présentes dans le secteur manufacturier et dans d’autres domaines nécessitant une capitalisation plus importante et représentent presque 20 % du total des transferts d’entreprises.
La coopérative de solidarité, qui regroupe à la fois les salariés et les utilisateurs d’une entreprise. Ce type de coopérative est très populaire dans les secteurs des services, de l’alimentation et des loisirs.
Il y a plusieurs raisons de considérer l’un de ces trois types de coopératives comme une alternative de premier plan à la relève d’entreprises. Premièrement, le taux de survie des coopératives en milieu de travail est grandement supérieur à celui de l’ensemble des entreprises privées : au Québec. Deuxièmement, les coopératives ont démontré qu’elles sont plus résilientes aux incertitudes économiques. Troisièmement, une coopérative détenue par ses salariés aura comme objectif principal le maintien des emplois et minimisera le risque de revente ou la délocalisation en contribuant à la création d’emplois locaux. Finalement, les coopératives participent au développement de leurs communautés et s’enracinent profondément dans leur milieu.
Au Canada, il y a plus de 626 coopératives de travail (selon le ministère de l’Industrie du Canada) dans divers secteurs de l’économie, comme le commerce au détail, l’agriculture, la santé et les services sociaux, la mise en valeur et la transformation des ressources naturelles ainsi que l’offre de services professionnels. Le nombre de coopératives en milieu de travail est en augmentation constante, et plus des deux tiers d’entre elles se trouvent au Québec. Parmi les exemples de réussite des coopératives de travailleurs constituées lors d’un transfert de propriété, nous pouvons citer le cas de Careforce Home Health Care Worker Co-op, une coopérative de travailleurs offrant de soins de santé à domicile dans des régions rurales de la Nouvelle-Écosse, ainsi que plusieurs coopératives funéraires au Québec.
À l’échelle internationale, les coopératives en milieu de travail sont un modèle en pleine croissance. Le Royaume-Uni compte 500 coopératives de travailleurs, l’Argentine en possède 7 000 et leurs activités représentent 10 % du PIB du pays, l’Italie compte 14 000 coopératives qui emploient 800 000 personnes et l’Espagne atteint le nombre incroyable de 20 000 coopératives de travail.
Au Canada, malgré les progrès accomplis, les coopératives en milieu de travail doivent relever d’importants défis, en particulier en matière de financement et de capitalisation. Dans toutes les coopératives, le rendement du capital est très limité et, étant donné que la valeur des actions ou de la participation de chaque membre est constante, il n’a pas de gains de capital à moyen ou à long terme. Par conséquent, les membres d’une coopérative ne profitent pas des mêmes incitatifs fiscaux que les entreprises privées pour réinvestir dans l’entreprise. Elles ont également plus de difficulté à accéder aux sources habituelles de financement, comme les institutions financières.
Je suis d’avis que le gouvernement fédéral doit contribuer à la diffusion du modèle de coopératives de travail auprès de chefs de petites et moyennes entreprises, auprès des employés qui pourraient envisager de devenir propriétaires, mais qui ne connaissent pas cette possibilité ni les possibles sources de financement, et auprès des organismes et des associations offrant de l’aide au transfert.
Le NPD dans son rapport au comité spécial des coopératives a recommandé que le gouvernement fédéral soutienne la création d’un fonds de développement des coopératives, financé à parts égales avec le secteur coopératif, visant à financer les coopératives émergentes et établir un régime d’investissement coopératif en s’inspirant du régime québécois (qui existe depuis 1985) et l’assortir d’un crédit d’impôt fédéral pour encourager les membres et les employés à investir dans leur propre coopérative.
Le NPD a également demandé que le gouvernement tienne des demandes du mouvement coopératif et annuler les changements apportés aux règles des REER en 2011. Le Ministre Flaherty doit à nouveau permettre aux travailleurs propriétaires d’une coopérative de détenir plus de 10 % des actions de celle-ci, dont la valeur ne peut excéder 25 000 $. Renverser ces changements contribuera à la capitalisation des coopératives de travailleurs par leurs membres. Enfin, le gouvernement fédéral doit modifier les règlements pour éliminer les obstacles à l’accès aux programmes fédéraux pour les entreprises et sensibiliser le secteur financier pour qu’il tienne compte des particularités et des besoins des coopératives de travailleurs et facilite l’accès aux services financiers.
En terminant, si vous souhaitez créer une coopérative en milieu de travail ou si vous envisagez le modèle coopératif comme solution de transfert pour votre entreprise, vous pouvez vous informer auprès des nombreuses organisations offrant des services d’accompagnement. Nous avons la chance d’avoir comme partenaire de la rencontre la Coopérative de développement régional de Montréal-Laval. J’ai le plaisir de vous présenter Mme Nada Elkouzi
Agente de développement à la CDR. Nada Elkouzi est titulaire d’un baccalauréat en sciences économiques de l’Université Mohammed V à Rabat au Maroc et d’une maîtrise en management de l’École des HEC Montréal. Depuis 12 ans, elle œuvre au sein de la Coopérative de développement régional de Montréal-Laval à titre d’agente de développement, des fonctions qui l’amènent à accompagner les promoteurs de projets coopératifs à partir de l’idée de projet jusqu’au début de leurs opérations et ce, dans les cinq types de coopératives répertoriés. Mme Elkouzi possède une solide expérience d’expert-conseil dans le démarrage de coopératives de même que dans le suivi à apporter aux coopératives créées, particulièrement à l’égard de la gestion et de la gouvernance.
Il me fait plaisir de céder la parole à Mme Nada Elkouzi.
Merci.
Documents de reférence :
- Diapositives de la présentation de Madame Hélène LeBlanc, député de LaSalle-Émard :
- Diaspositives de la présentation de Madame Nada Elkouzi, agent de développement de la Coopérative de développement régional de Montréal-Laval
- Diapositives de la présentation de Madame Marie Claude Sévigny, directrice générale de la Coopérative Enfance Famille
- Diaspositives de la présentation de Monsieur Pierre Caron, MBA, directeur général de la Coopérative d’achats stratégiques industriels